Par Drissa Ouattara
Au pays de Thomas Sankara, les rumeurs finissent toujours par se muer en vérité, comme c’est le cas pour la compagnie aérienne nationale, Air Burkina. Depuis plusieurs mois, des bruits couraient sur les difficultés financières que rencontrait ce fleuron national. Dans une note adressée aux délégués du personnel, signée par le Directeur général, Azakaria Traoré, en date du 23 mai 2024 et portant les références 001446/24/2j/DG/FT, l’authenticité de ce document a été confirmée par une source interne à la compagnie. Le Directeur général y informe les délégués de son incapacité à honorer les paiements des salaires d’avril et de mai, compte tenu de la trésorerie actuelle de la compagnie. Il poursuit en ces termes : « Depuis un certain temps, nous sommes sans outil de travail et l’exploitation est arrêtée. Nous ne sommes donc pas en mesure de générer des ressources financières suffisantes pour couvrir nos charges fixes », dit-il.
En réponse à la lettre du Directeur général, le collège des délégués du personnel d’Air Burkina, à travers une note que nous avons consultée, se dit préoccupé et affecté par la situation actuelle de la compagnie : « De prime abord, nous tenons à vous assurer que la situation actuelle de la compagnie préoccupe et affecte l’ensemble du personnel qui, au-delà de leurs salaires, peine à voir le fleuron de la nation agoniser. »
Après cette reconnaissance, le collège ne mâche pas ses mots en évoquant les mauvais choix stratégiques opérés par le passé : « Cette situation très peu reluisante est à n’en point douter la résultante de choix stratégiques douteux opérés par le passé. En témoigne le contrat léonin des trois Embraer (2 E195 et 1 E175), la politique de maintenance empreinte de négligence ayant consisté en la cannibalisation d’un des avions pour maintenir les autres en état de vol (sans accord du propriétaire des avions), une gestion managériale des ressources financières et humaines peu orthodoxe. Toutes ces choses ont occasionné une perte d’environ 40 milliards de CFA sans que personne à ce jour ne soit inquiété. »
Face à cette situation, le personnel, après une assemblée générale organisée le 17 mai 2024, a adopté par consensus les propositions suivantes :
- Le consentement de l’autorité à payer les salaires jusqu’à la date de signature d’un protocole d’accord entre l’administration et le personnel.
- La réduction salariale équitable et non égalitaire. Le personnel propose une réduction, à compter du mois de juin jusqu’à la reprise des activités, de 10 % pour les revenus de moins de 200 000 F, 20 % pour les revenus compris entre 201 000 F et 700 000 F, et 30 % pour les revenus au-dessus de 701 000 F.
- Que les retraités toujours en fonction soient mis en retraite effective.
- Que des retraites anticipées soient proposées.
- Que des départs volontaires soient proposés pour le compte d’autres sociétés d’État.
Les délégués interpellent également l’autorité compétente pour une meilleure compréhension de la situation des travailleurs : « Nous souhaitons de la part de l’autorité une profonde compréhension de la situation des travailleurs soumis à de fortes inquiétudes d’une part, et d’autre part à une pression économique sans précédent qui est décuplée par les engagements bancaires. »
Ils exigent également que la lumière soit faite sur les différentes gestions qui ont causé cette situation : « Du reste, justice doit être rendue aux travailleurs et au peuple burkinabé en faisant la lumière sur cette gestion scandaleuse qui nous a entraînés dans cette situation chaotique. »