Le 4 octobre 2024, l’agence de notation Moody’s a annoncé la dégradation de la note de l’émetteur à long terme du Sénégal, passant de Ba3 à B1, tout en déclarant les notations à long terme sous surveillance pour une éventuelle dégradation future. Cette décision intervient dans un contexte où les perspectives économiques du pays sont fragilisées par une situation budgétaire beaucoup plus dégradée que prévue. Selon Moody’s, les déficits budgétaires sont nettement plus élevés que les chiffres précédemment rapportés, mettant en lumière un endettement public alarmant.
En effet, l’audit préliminaire du ministère des Finances a révélé que le fardeau de la dette publique du Sénégal s’élève à 83,7 % du PIB en 2023, soit environ 10 points de pourcentage de plus que les estimations initiales. Cette situation affaiblit considérablement la capacité du pays à absorber les chocs économiques, d’autant plus que l’incertitude demeure quant à l’ampleur exacte de cette dette. La validation des chiffres définitifs par la Cour des comptes, attendue dans les 90 jours, sera cruciale pour évaluer précisément la situation. En attendant, cette révision à la hausse de la dette pèse sur les marges de manœuvre budgétaires du gouvernement.
De plus, les conclusions de l’audit montrent que les déficits budgétaires pour la période 2019-2023 ont été sous-estimés, atteignant en réalité 10,4 % du PIB, soit près du double des 5,5 % initialement déclarés. Cette augmentation s’explique par des dépenses extrabudgétaires qui n’avaient pas été incluses dans les comptes publics, financées en partie par des prêts de projets extérieurs et des emprunts bancaires locaux. En conséquence, le gouvernement se retrouve dans une situation où ses engagements financiers sont bien plus élevés que ce qui avait été anticipé, ce qui accroît sa vulnérabilité face à des coûts de financement plus élevés sur les marchés internationaux.
Par ailleurs, cette situation budgétaire dégradée intervient dans un contexte où le Sénégal peine à augmenter ses recettes fiscales. Au premier semestre 2024, les revenus publics n’ont représenté que 41 % de l’objectif fixé pour l’année entière, en raison d’une croissance économique plus faible et d’un retard dans la mise en œuvre des réformes fiscales, notamment celles liées aux exonérations de TVA. Parallèlement, les réformes des subventions à l’énergie, censées réduire la facture des subventions à 1 % du PIB, sont en suspens, notamment à cause de blocages législatifs. De surcroît, les intérêts sur la dette publique ont dépassé les prévisions, atteignant 84 % du montant budgétisé pour l’année en seulement huit mois.
Face à cette situation, Moody’s souligne que la capacité du Sénégal à réduire son ratio d’endettement sera déterminante dans les mois à venir. Le gouvernement sénégalais s’est engagé à ramener la dette à moins de 70 % du PIB en altérant les recettes intérieures, en particulier les exonérations fiscales et en améliorant la gestion des dépenses publiques. Cependant, les résultats de ces efforts ne seront visibles qu’à moyen terme, surtout dans un contexte de faible croissance économique.
L’une des principales préoccupations soulevées par Moody’s concerne la capacité du gouvernement sénégalais à faire face à ses besoins de financement à court et moyen terme. Les remboursements de la dette devraient s’accroître au cours des années suivantes, avec des remboursements atteignant 10,9 % du PIB en 2026, contre 6,1 % en 2024. Cette situation met en évidence des risques courus pour la liquidité du pays, d’autant que les besoins de refinancement pourraient dépasser les prévisions actuelles. Dans ce cadre, la relation du Sénégal avec le FMI sera essentielle pour garantir des financements à des taux soutenables. Bien que le Sénégal ait réussi à lever 750 millions de dollars en juin 2024 à travers une euro-obligation, les retards dans la revue du programme actuel avec le FMI suscitent des incertitudes sur l’avenir de ce partenariat.
Par Ouattara