Le secteur du capital-investissement en Afrique continue de connaître un net ralentissement pour la deuxième année consécutive, une situation qui soulève des questions sur la solidité du marché. Selon l’Association africaine du capital-investissement (AVCA), seules 287 transactions ont été conclues depuis le début de l’année, marquant une baisse de 11 % par rapport aux 324 transactions enregistrées à la même période en 2023. Ce recul ne se limite pas au nombre d’opérations : la valeur des investissements a chuté de manière significative, atteignant son plus bas niveau depuis cinq ans.
À la fin du troisième trimestre de 2024, le montant total des investissements réalisés en Afrique ne s’élève qu’à 1,9 milliard de dollars, soit une réduction de 53 % par rapport à l’année précédente. Ce chiffre reste bien en dessous de la moyenne quinquennale de 4,2 milliards de dollars, illustrant la profonde contraction que connaît le secteur. Cette baisse des volumes et des valeurs témoigne des difficultés rencontrées dans un environnement économique incertain où les investisseurs choisissent désormais une approche plus prudente.
Une tendance marquée vers les petites transactions se dessine, avec des opérations inférieures à 50 millions de dollars représentant 66 % des activités transactionnelles en 2024. Les transactions de plus de 50 millions de dollars ont, quant à elles, chuté de 75 % en comparaison annuelle, et les opérations comprises entre 50 et 99 millions de dollars ont diminué de 92 %, aucune transaction de plus de 250 millions de dollars n’ayant été signalés cette année. Ce changement montre un virage stratégique des investisseurs, qui privilégient des investissements de taille modeste, jugés plus gérables et moins risqués dans un contexte de volatilité accrue.
Malgré ce ralentissement généralisé, le capital-risque reste la composante dominante du capital-investissement en Afrique. Il représente actuellement 62 % du volume total des transactions et 52 % de leur valeur. Cependant, ce segment est, lui aussi, touché par la conjoncture, avec une baisse de 21 % du volume des transactions et une diminution de 49 % de leur valeur. En réponse aux contraintes financières, les startups africaines adaptent leurs stratégies, réduisant leurs ambitions de croissance pour recentrer leurs efforts sur une gestion plus rigoureuse des opérations.
Le rapport de l’AVCA révèle que, bien que le volume des transactions en capital-investissement ait augmenté de 28 % par rapport à l’an passé, cette progression n’a pas entraîné de hausse de la valeur des investissements. Depuis le début de l’année, seuls 400 millions de dollars ont été mobilisés dans le capital-investissement, un recul de 66 % par rapport à 2023. Les transactions inférieures à 10 millions de dollars montrent néanmoins une certaine résistance, les investissements dans cette catégorie passant de 35 millions de dollars en 2023 à 55 millions de dollars en 2024.
Les investissements dans les infrastructures, un autre secteur stratégique, ne sont pas épargnés, avec une réduction de 68 % de la valeur des transactions, limitée à 200 millions de dollars cette année. Un coup de pouce notable est cependant venu de l’Africa Finance Corporation qui a accordé un prêt senior de 150 millions de dollars à Kamoa Copper en République démocratique du Congo, offrant ainsi un soutien significatif à ce secteur en difficulté.
Dans ce contexte globalement morose, la dette privée se démarque en apportant une note positive. La valeur des transactions de dette privée a en effet progressé de 14 % par rapport à l’année précédente, attirant les investisseurs en quête de placements stables et flexibles face aux incertitudes du marché. Bien que la valeur de cette classe d’actifs reste inférieure aux niveaux de 2022, elle continue d’être une source cruciale de capitaux, notamment dans le secteur des services financiers où la valeur des transactions a doublé par rapport à l’an dernier.
Malgré ce tableau difficile, l’AVCA estime que l’Afrique conserve son attractivité auprès des investisseurs internationaux, qui voient encore en ce continent des perspectives d’investissement prometteuses. Cette situation appelle toutefois à une adaptation des stratégies d’investissement pour mieux répondre aux contraintes économiques actuelles et tirer partie des opportunités de croissance restantes.
Par Ouattara