Plusieurs mois après la sortie de son ouvrage « Investir à la BRVM », l’auteur Boukaré BANCE, Spécialiste en finance de marché revient sur les raisons de la rédaction de cette œuvre, les principaux défis auxquels le marché financier en Afrique, et plus particulièrement la BRVM, doit faire face, la question de l’éducation financière de la population et donne des conseils aux potentiels investisseurs à la BRVM
Vous venez de publier un livre intitulé « Investir à la BRVM » dont la dédicace a eu lieu il y a environ deux mois. Déjà, comment se comporte les ventes ?
Boukaré Bancé : Deux (02) mois après la publication, le livre se comporte très bien sur le marché. Il a été très bien accueilli et apprécié par les Burkinabè et même par des personnes hors du pays. Nous avons procédé par tirage. Le stock du premier tirage est épuisé et nous sommes sur le second. Donc, en termes de chiffres, nous sommes à plus de 2 000 livres vendus.
Où trouver le livre « Investir à la BRVM » ?
B. Bancé : À Ouagadougou, le livre est disponible à la librairie Mercury, à Diacfa et dans toutes les librairies Bon Berger. Il est également disponible à Diacfa Bobo-Dioulasso. On peut également l’avoir en contactant le +226 74755526 / 60616475 oudans les pays de la sous-région, notamment au Mali, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Les commandes venant des pays autres que celles cités sont expédiées. Mais les réflexions sont en cours afin d’y installer des points de vente. Nous avons aussi des commandes venant de pays hors Afrique, notamment du Canada, des États-Unis, de l’Italie et de la France, qui constituent en même temps le point de ralliement des autres pays.
Pourquoi avoir écrit ce livre et quelles en sont les motivations ?
B. Bancé : C’est d’abord un défi d’écrire un tel livre. Jusqu’à présent, il n’y avait pas de livre qui traitait spécifiquement de la BRVM. Il y en a, mais qui parlent de la bourse de façon générale. Donc le premier défi était de faire ce que personne n’avait encore fait. Le deuxième défi était de le rendre encore plus accessible à tous. Dans ce sens, les rencontres que j’ai eues avec les acteurs du monde financier, surtout les experts et anciens du domaine, m’ont permis de travailler sur l’accessibilité de l’information que le livre offre sur la BRVM.
De façon plus claire, quel est l’objectif principal de l’écriture de ce livre ?
B. Bancé : En un mot, l’objectif est de démystifier la bourse. En réalité, il y a beaucoup de préjugés sur la bourse régionale des valeurs mobilières ; chacun dit ce qu’il veut et ce qu’il pense. D’aucuns racontent leurs expériences avec la bourse. Certains parlent de ce qu’on leur a dit sur la bourse. Le livre « Investir à la BRVM » vient mettre fin à toutes ces rumeurs en donnant des explications claires et précises sur la BRVM, et ce, dans un langage accessible. Il explique également comment on peut investir à la bourse et quels sont les risques et opportunités.
On pourrait donc affirmer que l’objectif est atteint ?
B. Bancé : Les témoignages que nous recevons sont édifiants parce que beaucoup de personnes ont déjà lu le livre. De ce point de vue, l’objectif recherché est largement atteint, et surtout, encourager les jeunes et les entrepreneurs à utiliser la BRVM comme un levier de création de richesse.
Dans votre livre, vous déclarez ceci : « La bourse n’est pas réservée uniquement aux riches». Pourquoi cette affirmation ?
B. Bancé : La BRVM, à sa création, n’avait pas été créé pour une catégorie de personnes, mais de permettre aux populations d’être actionnaires dans les entreprises installées dans la zone UEMOA. Sur le marché de la BRVM, les prix des actions sont accessibles et vont de 16 FCFA à plus de 10 000 FCFA (environ 95% des actions sont moins de 10 000 FCFA). Partant de là, ce n’est pas une affaire de riches.
N’est-ce pas donc les démarches, notamment avec les Sociétés de gestion et d’intermédiation (SGI), et la complexité du domaine qui amènent les populations à hésiter quant à l’idée d’investir à la bourse ?
B. Bancé : D’abord, il faut dire que les acteurs même du domaine de la finance font de la bourse une sorte de boîte noire où il faut appartenir à un certain groupe pour y être. Mais en réalité, il y a ce que les gens pensent et il y a aussi la réalité. Rien qu’en voyant les financiers en costume, le citoyen lambda conclut que la bourse n’est pas faite pour lui. En plus, les explications relatives à la BRVM sont faites dans des termes assez techniques, donc non accessibles pour le profane des questions de finances. Qu’à cela ne tienne, les procédures d’ouverture de compte sont globalement simples. Mais il faut dire aussi que la population doit assumer une part de responsabilité en se contentant des préjugés plutôt que d’aller à l’information vraie sur la question.
N’est-ce pas aussi le devoir des acteurs de faire connaître la bourse à la population ?
B. Bancé : Absolument, c’est une responsabilité partagée entre plusieurs acteurs. Les régulateurs, les institutions financières, mais aussi les acteurs privés et les professionnels de la finance ont un rôle crucial à jouer dans la sensibilisation de la population à l’importance et aux avantages de la bourse.
Le manque de connaissances financières est un des principaux obstacles à l’investissement en bourse, donc il est important que les acteurs du secteur s’unissent pour promouvoir l’éducation financière à travers des événements, des formations et des campagnes de sensibilisation.
En fin de compte, plus on fait connaître la bourse et son fonctionnement, plus on crée un environnement propice à son développement.
À l’international, il y a la bourse de Wall Street aux États-Unis, pour ne citer que celle-là. Y a-t-il une différence entre cette bourse et la BRVM, vu qu’elles sont toutes des bourses ?
B. Bancé : ce qu’il faut dire, c’est qu’il existe plusieurs différences déjà mais je vous cite trois (03) éléments de différence.
Premièrement, sur la forme, il faut noter que la BRVM regroupe huit (08) États, alors que les autres bourses sont généralement pour un État ou pour une ville.
Deuxièmement, sur les marchés telles que celle de Wall Street, les prix varient à une vitesse incroyable. Alors que dans notre marché régional, on ne peut pas perdre plus de 7,5 % de son capital dans une journée, à la différence des autres bourses où l’on peut se lever un matin et voir que son compte est au rouge.
Troisièmement, notre bourse est assez jeune (26 ans aujourd’hui). Elle est en pleine croissance, offrant de nombreuses opportunités pour les investisseurs.
Etc..
Quelles sont les étapes pour investir à la BRVM et que faire pour minimiser les risques quand on est débutant ?
B. Bancé : La première étape est la formation. Malheureusement, beaucoup pensent que se former n’est pas nécessaire. Ensuite, il faut se fixer des objectifs clairs. Pourquoi investir à la bourse ? Est-ce pour faire fructifier mes revenus ? Pour préparer ma retraite ? Pour faire face aux frais de scolarité ? Pour faire croître mon patrimoine ? Autant de questions à se poser. Une fois l’objectif fixé, on peut aller ouvrir son compte-titres et commencer petit pour se faire sa propre expérience en consolidant ses compréhensions de base.
Quelle différence y a-t-il entre investissement et épargne ?
B. Bancé : La différence se situe au niveau du risque. Qui parle d’investissement parle de risque, alors qu’en épargne, le risque n’existe pratiquement pas. De façon plus approfondie, l’épargne, en effet, symbolise une somme d’argent mise de côté pour un besoin à venir et dont la rémunération par les institutions bancaires tourne autour de 3,5 % l’année dans notre zone UEMOA. Alors qu’en investissement, on prend un risque en contrepartie d’un rendement potentiel plus élevé.
En tant que spécialiste de la finance des marchés, quels sont, d’après vous, les principaux défis auxquels le marché financier en Afrique, et plus particulièrement la BRVM, doit faire face aujourd’hui ?
B. Bancé : Les défis sont de trois (03) ordres. Le défi majeur, c’est l’éducation financière. Il faut éduquer la population sur ce qu’on appelle la BRVM : qu’est-ce qu’ils y gagnent ? Quels sont les risques qu’ils encourent ? Et quels sont les objectifs qu’ils peuvent atteindre ? Le deuxième point est lié au premier : c’est la liquidité du marché, autrement dit, la facilité de transformer un produit ou un actif en de l’argent. Plus vous avez du monde sur le marché, plus on a de forte chance que le marché soit liquide. Et pourtant, vu que les gens ne connaissent pas la BRVM, ils sont peu à y aller. D’où le fait qu’on n’a pas une liquidité importante. Lorsque le marché s’ouvre dans ces conditions, vous n’avez pas la possibilité de faire beaucoup d’opérations. Vous n’avez donc pas la possibilité de transformer rapidement vos titres (actions, obligations, etc..) en de l’argent liquide. Ça aussi, c’est un défi que la BRVM doit relever afin que le marché soit encore plus intéressant. Le troisième point concerne la transparence des entreprises cotées. L’autorité des marchés doit travailler encore plus à ce que les entreprises cotées soient transparentes. Il faut s’assurer que les structures mettent à la disposition de la population la bonne information et à temps pour qu’elle puisse décider. Tous ces éléments vont également encourager les particuliers et les sociétés à venir à la BRVM. Déjà, en termes de sociétés cotées, nous n’en avons pas beaucoup. Même le Kenya a plus de sociétés cotées que tous nos huit (08) pays de l’UEMOA.
Comment voyez-vous l’impact de la technologie, notamment des plateformes en ligne, sur la manière d’investir à la BRVM ?
B. Bancé : La technologie a révolutionné toutes les activités, surtout dans le monde de la finance, qui est également un secteur en constante évolution. Aujourd’hui, avec la technologie, vous avez la possibilité d’acheter et de vendre des actions avec votre smartphone. On n’a plus besoin de se déplacer pour acheter ou vendre des actions. On n’a pas plus besoin non plus de se déplacer vers notre SGI pour certaines opérations (dépôt sur son compte-titres, etc..). À ce jour, juste avec votre smartphone ou votre tablette, vous pouvez acheter ou vendre des actions et des obligations. Il vous faut uniquement une connexion et une connaissance de base.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune investisseur qui souhaite se lancer sur le marché boursier ?
B. Bancé : Les conseils qu’on peut donner à un jeune investisseur, c’est de se former. Une fois qu’on est formé, on commence petit. Ce n’est pas parce que le voisin ou mon ami a commencé grand que moi aussi je vais tout faire pour pouvoir faire comme lui. Non, on commence petit pour avoir notre propre expérience et notre stratégie. Par exemple, j’ai des jeunes qu’on accompagne qui se forment, commencent petit, et dans leur stratégie, c’est d’avoir ce qu’on appelle une régularité de versements au niveau de leur compte-titres. C’est-à-dire, chaque mois, je décide de déposer 50 000, 100 000, 150 000 ou 200 000 FCFA dans mon compte-titres que j’utilise pour acheter des actions en réinvestissant vos dividendes. C’est ce qui va porter du fruit. Ce fruit, au fur et à mesure que vous avancez, vous allez bénéficier de ce qu’on appelle les intérêts composés. Les intérêts composés fonctionnent comme une boule de neige, c’est petit dès le départ et ça devient de plus en plus grand jusqu’à ce que votre capital devienne important. Mon conseil est donc de se former, de commencer petit et d’avoir une régularité dans l’approvisionnement de son compte titres.
Vous parlez de formations, ça tombe bien, ça fait une transition parfaite pour notre prochaine question. Vous avez votre structure Educ-Bourse et nous avons appris dans votre ouvrage Investir à la BRVM que vous travaillez également dans l’éducation financière avec Educ-Bourse. Pourriez-vous nous en parler davantage ? Qu’est-ce qu’Educ-Bourse ?
EDUC-BOURSE est une agence d’éducation financière. Le constat est qu’on a un manque d’éducation financière dans notre zone, au Burkina et dans toute l’UEMOA d’ailleurs. Voyant ce constat, Educ-Bourse a été créé pour donner la bonne information, pour former les citoyens à ce qu’on appelle l’éducation financière sur tous ses volets : que ce soit l’épargne, l’investissement, la bourse, les crédits, le financement, et bien d’autres.
Nous offrons des formations pratiques qui permettent aux participants d’acquérir les connaissances de base et les compétences nécessaires pour naviguer dans le monde de la finance et investir de manière éclairée. Par exemple, nous proposons des ateliers pour les débutants et les professionnels, des conseils pour ouvrir un compte-titres, et des sessions de suivi pour s’assurer que chaque investisseur évolue en confiance.
Lorsque vous souhaitez investir, vous pouvez venir à Educ-Bourse afin que nous puissions dresser votre profil d’investisseur et vous conseiller afin d’atteindre votre objectif. Aussi, nous vous suivons pour que vous puissiez apprendre encore plus et suivre les tendances. Le suivi se fait tout au long de vos investissements. C’est bien de se faire former, mais se faire suivre aussi est important, même si ce n’est pas une obligation. Lorsque vous avez besoin de conseils ou de coaching, Educ-Bourse est présente. Au niveau de la BRVM, il a également été constaté que notre espace UEMOA est à 80 % dominé par les PME-PMI, alors que la Bourse, selon les critères de cotation, prenait en compte les sociétés plus grandes. Vu cette situation, en 2017, l’Autorité des marchés financiers a mis en place un autre compartiment appelé compartiment des PME. L’objectif est de permettre aux PME de lever des fonds avec des conditions encore plus allégées que les conditions précédentes. Là encore, Educ-Bourse se positionne pour expliquer aux PME-PMI qu’il y a aussi d’autres possibilités de lever des fonds à moindre coût, car lorsqu’on veut lever des fonds, il y a plusieurs aspects à prendre en compte. Mais les deux (02) éléments les plus regardé souvent sont le montant du crédit et le taux qui l’accompagne. Educ-Bourse, guide les PME-PMI également dans ce sens.
Vous avez évoqué le fait que le niveau de l’éducation financière n’est pas avancé, mais on entend souvent que les banques burkinabè ont assez de liquidités. Certainement, les gens épargnent beaucoup. N’y a-t-il pas une contradiction ? Est-ce que ce n’est pas plutôt le placement de l’argent des gens qui diffèrent ?
B. Bancé : L’éducation financière n’est pas suffisamment développée. Elle ne se limite pas simplement à déposer ses liquidités en banque. Lorsqu’on est bien formé financièrement, on comprend qu’il existe des alternatives pour placer son argent, en dehors des institutions financières traditionnelles. Si les banques et institutions financières affichent aujourd’hui des excédents de liquidités, cela s’explique en partie par le fait que la majorité des citoyens privilégient les comptes d’épargne et les dépôts bancaires, qu’ils perçoivent comme des options simples et sûres.
Si l’on étudiait de plus près ces clients, on constaterait souvent qu’ils ignorent l’existence d’autres placements potentiels en dehors des banques. Il est donc important que le client réalise qu’en plus de ces moyens classiques, il existe d’autres options d’investissement qui peuvent offrir des rendements plus intéressants. D’ailleurs, les institutions financières elles-mêmes réinvestissent souvent les liquidités de leurs clients dans des placements comme la bourse pour obtenir de meilleurs rendements.
En somme, il n’y a pas de contradiction. Ce phénomène est avant tout lié à un manque d’éducation financière.
Vous avez écrit sur un domaine passionnant qui a fait l’actualité à travers le monde. Y a-t-il des personnalités ou des investisseurs qui vous ont inspiré dans votre parcours ? Et pourquoi ?
B. Bancé : Est-ce qu’il y a des personnalités qui m’ont inspirée ? C’est vrai que je lis beaucoup. J’ai lu des auteurs tels que Warren Buffett et Peter Lynch, des investisseurs chevronnés. Malheureusement, il n’y a pas de nom burkinabè, ivoirien, sénégalais, malien ou nigérien parmi ceux que je cite, ce sont tous des noms qui viennent d’ailleurs, surtout des États-Unis. Cependant, ceux qui m’ont le plus inspiré sont ceux que j’ai mentionnés. Mais je souhaite qu’il y ait des modèles africains sur le marché pour que l’on puisse s’en inspirer, afin que la jeune génération puisse en tirer des leçons. Ces auteurs, ne datent pas d’aujourd’hui, et je ne suis pas non plus le seul à avoir lu leurs œuvres ou à être inspiré par eux. Actuellement, on ne parle que de la BRVM, et notre bourse a des spécificités qui diffèrent de celles de la Bourse de Paris ou de Wall Street. Donc, si les stratégies que Peter Lynch ou Warren Buffett me conseillent d’appliquer au Burkina, est-ce que je fais du copier-coller ou bien je m’adapte à la BRVM ? Maintenant, dans l’adaptation, il faudrait que j’aie des modèles africains qui puissent également m’inspirer. Pour l’instant, on espère que cela va venir.
Nous sommes à la fin de notre interview. Quel est votre message à l’endroit de tous ceux qui liront cette interview ?
B. Bancé : Mon message est d’encourager chacun à s’informer, car celui qui possède l’information détient le pouvoir. L’information est le socle de toutes les décisions : sans elle, on avance comme dans l’obscurité. J’invite donc tout le monde à se former, à rechercher les bonnes sources d’information, et à lire Investir à la BRVM. Ce livre leur offrira une nouvelle perspective, un autre regard sur la BRVM. Je vous encourage également à contacter Educ-bourse pour obtenir encore plus d’informations qui vous guideront dans vos premiers pas sur le marché financier.
Enfin, je vous exhorte à ne pas hésiter face aux obstacles, car chaque croissance est jalonnée de défis. On n’évolue que si l’on ose prendre des risques. Quand je pars travailler chaque matin, je sais que le chemin comporte des risques, mais je les affronte pour avancer. Ne voyez pas le risque comme une barrière, car plus on y pense, plus on devient hésitant. Tous ceux qui ont réussi ont pris des risques. Alors, osez ! Rien ne se fait sans un certain degré de risque, et comme on le dit souvent, « le risque est la nourriture des richesses ». C’est un adage partagé par tous les financiers.
Réalisée par Ouattara
Retranscription: Bernadette W.Gansonré / Léon Yougbaré