À travers un communiqué en date du 17 janvier 2025, Vista Group Holding, dirigé par l’homme d’affaires burkinabè Simon TIEMTORE, a annoncé avoir reçu l’approbation du régulateur bancaire français, l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), pour opérer en France. Cette nouvelle entité débutera ses activités au deuxième semestre 2025. Dans ce cadre, le Président de Vista Group Holding, Simon TIEMTORE, a accordé une interview exclusive à votre média de référence en matière d’actualité économique et financière. Un entretien au cours duquel le positionnement stratégique du Groupe Vista, les raisons du choix de la France ainsi que les retombées de cette nouvelle entité pour l’Afrique ont été abordés.
Horonya Finance (HF) : Vista Bank, dans sa stratégie d’expansion, a choisi la France comme porte d’entrée en Europe. Pourquoi ce choix ?
Simon TIEMTORE (ST) : Dans notre vision d’expansion afin de pouvoir accompagner nos économies, nos États et nos entrepreneurs, le choix s’est d’abord posé sur la France comme premier pays d’expansion à l’international pour avoir accès à l’Europe et au reste du monde. De nos jours, la France offre à plusieurs banques la possibilité de faire des transactions sur le marché international. La plupart des banques africaines qui veulent, d’une part, avoir accès au marché des capitaux et, d’autre part, à l’Europe, y sont présentes telles que Ecobank, Attijariwafa Bank, Zenith Bank, BGFIBank, Acces Bank, UBA, BOA…. Idem pour les grands groupes bancaires américains (Bank of America, Citibank, Goldman Sachs, JP Morgan, Morgan Stanley, Wells Fargo… qui ont quitté la Grande-Bretagne à cause du Brexit, se sont installés en France. Nous avons donc suivi les mouvements sur le marché mondial des capitaux, et cela nous permettra, étant présents en France, de travailler directement avec les acteurs de ce marché afin de faciliter le commerce de l’Afrique avec le reste du monde. La France est certes notre premier marché, mais pas le dernier. L’ambition est de conquérir d’autres marchés, notamment l’Amérique du Nord, l’Asie et le Moyen-Orient.
HF : Quels sont les objectifs, à court et à long terme, de cette nouvelle entité de Vista qui sera lancée en France ?
ST : Les objectifs sont les mêmes, qu’ils soient à court ou à long terme. Il s’agit de pouvoir offrir des services de banque de correspondance, des services de lettre de confirmation, de trésorerie, de gestion du cash, des financements structurés, entre autres, à travers la facilitation de mobilisation des capitaux auprès de la diaspora africaine pour pouvoir participer au financement de l’économie de nos États. Le plus important pour nous est d’offrir une plateforme pérenne aux entreprises africaines, leur permettant de commercer avec le reste du monde. Parce que l’Afrique subit le phénomène du retrait progressif des grandes banques étrangères, laissant un vide en matière d’accès aux devises pour les entreprises. Il nous appartient, en tant que banques africaines, de prendre nos responsabilités en nous installant sur le marché international afin de faciliter le commerce de notre continent avec le reste du monde. C’est donc la raison pour laquelle Vista Bank s’étend à l’international en commençant par la France.
HF : De grands groupes bancaires sont déjà présents en France avant vous. Quelle sera alors la spécificité de Vista Bank sur ce marché ?
ST : Même si toutes les banques offrent pratiquement les mêmes produits, il y a une différenciation au niveau du périmètre des pays couverts. Mais être présent sur ce marché nous permettra également de partager avec les autres banques un certain nombre de risques relatifs à certains pays. Notre spécificité est la connexion avec la plateforme de paiement d’Afreximbank (la Banque africaine d’import-export), appelée PAPSS, permettant aux Africains d’effectuer des transactions entre eux en monnaie locale. Vista France sera alors le lien entre l’Afrique et le reste du monde à travers cette plateforme et également un carrefour pour les pays africains de commercer entre eux. La vision de Vista est aussi portée sur l’innovation et la digitalisation des services que nous offrons. L’autre spécificité de Vista, c’est qu’en tant que banque globale panafricaine, nous prenons des décisions locales adaptées aux réalités locales, contrairement à d’autres banques africaines dont les décisions sont prises à l’extérieur. Ainsi, ce que nous mobilisons comme capitaux à l’international sera pleinement déployé dans les pays africains.
HF : Selon le rapport 2024 de la Banque mondiale sur les remises migratoires, les transferts d’argent internationaux vers l’Afrique subsaharienne restent parmi les plus coûteux au monde. Quelles solutions Vista propose-t-elle pour réduire les coûts des transferts internationaux et faciliter les échanges commerciaux entre l’Afrique et l’Europe ?
ST : Les coûts sont liés aux facteurs de risque dans certains pays. Mais pour nous, Africains, nos pays ne sont pas risqués, car nous en faisons partie, nous y opérons et accompagnons les entrepreneurs, jeunes et femmes qui sont dans le tissu économique de nos pays. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous sommes également présents à l’extérieur : il est de notre devoir d’accompagner nos clients à s’insérer sur le marché international. Cela permet de les considérer comme moins risqués et, du même coup, de réduire les coûts de transaction. La connexion avec la plateforme PAPSS d’Afreximbank permet la promotion du commerce intra-africain sans recourir aux devises étrangères. Mais le coût des transactions est également imputable aux coûts d’achat de devises étrangères, et Vista Bank apportera des solutions innovantes sur le marché afin de réduire ces coûts de transfert.

HF : Qu’apporte concrètement cette expansion de Vista Bank aux économies africaines ?
ST : Les grands groupes bancaires étrangers qui se retirent progressivement de l’Afrique laissent un vide en termes d’instruments classiques de financement du commerce international, dont les entreprises, qu’elles soient grosses, moyennes ou petites, ont besoin. La présence de Vista en France, avec l’accès à l’Europe et au monde, comble ce vide. En tant que banques locales, le départ des grands groupes bancaires nous affecte directement et cette situation nous interpelle à prendre nos responsabilités pour nous donner l’indépendance nécessaire afin de continuer à accompagner nos économies, nos entrepreneurs et surtout de soutenir les plans nationaux de développement économique et social de nos États, qui demandent des capitaux et des ressources énormes.
HF : Quelle est la place du projet d’expansion dans la stratégie globale de Vista Group à l’horizon 2030 ?
ST : Nous voulons être présents dans 25 pays en Afrique d’ici 2026. Cette expansion en Afrique ne peut être effective que si nous avons les moyens d’être à l’extérieur pour soutenir nos banques et nos économies. Notre ambition est de faire de Vista une banque panafricaine globale et d’être présente sur les marchés connectés à l’Afrique, notamment l’Asie, le Moyen-Orient et l’Amérique du Nord, qui sont des marchés avec lesquels l’Afrique transige beaucoup. Il y a aussi la diaspora africaine qui souhaite investir en Afrique, et Vista se propose d’être cette plateforme qui va les accompagner pour réaliser leurs projets.

HF : Quel message avez-vous à l’endroit de vos clients, partenaires et collaborateurs concernant cette nouvelle étape pour le Groupe Vista ?
ST : Nous reconnaissons l’accompagnement de nos partenaires financiers et nous leur demandons de continuer à nous accompagner. Nous rassurons nos clients que nous nous donnerons les moyens de leur apporter les instruments nécessaires pour faciliter le commerce international, qu’il s’agisse d’importations ou d’exportations. Les clients de Vista, sur le marché international, seront moins risqués, car connus de la filiale locale et de Vista France, qui répondent aux normes et standards internationaux. La présence de Vista à l’extérieur sera bénéfique pour les États africains, pour les clients et pour les grandes entreprises ainsi que les PME/PMI. Quant aux collaborateurs, ce sont des personnes qui ont l’expérience sur le type de marché que nous explorons, ainsi que les compétences et l’expertise nécessaires. C’est une équipe vraiment dynamique sur laquelle nous comptons beaucoup pour lancer les opérations d’ici juin 2025.
HF : En ce début d’année, quels sont vos vœux à l’endroit de vos clients, partenaires et collaborateurs ainsi qu’au Burkina Faso ?
ST : D’abord, pour notre pays (Burkina Faso, Ndlr), je souhaite la paix. Je souhaite la paix, la santé et la prospérité à nos partenaires et collaborateurs. Mais le plus important, c’est la santé et la paix. Si nous avons ces deux choses, tout le reste est possible. Qu’il y ait la paix et l’harmonie en Afrique afin que ses fils et filles soient tous des acteurs de l’essor économique de nos pays.
Interview réalisée par Drissa Ouattara et Léon Yougbaré