La Société coopérative avec conseil d’administration (SCOOP/CA) Burkina mine a organisé, le vendredi 24 janvier 2025, un panel autour du thème « Investir dans le secteur minier au Burkina Faso : opportunités et défis de financement ».
Le Burkina Faso, ces dix dernières années, est entré sur la liste des pays miniers. Cependant, le financement du secteur demeure problématique. Il l’est davantage quand le projet est porté par des acteurs nationaux. Pour comprendre cette situation, la Société coopérative avec conseil d’administration (SCOOP/CA) Burkina mine, créée en 2022, a convié les acteurs autour d’un panel à l’effet de mener la réflexion et de trouver les solutions. Le thème retenu est « Investir dans le secteur minier au Burkina Faso : opportunités et défis de financement ». Selon les chiffres du ministère en charge des mines, les sociétés minières ont généré environ 2 000 milliards FCFA de chiffre d’affaires en 2022. Ces performances, à en croire l’Administrateur-Directeur général de la SCOOP/CA Burkina mine, Abdoul Razaky Kaboré, démontrent qu’en dépit de la situation sécuritaire, le secteur minier burkinabè demeure attractif et permet de faire des profits. « Si des personnes quittent des milliers de kilomètres pour venir explorer nos sous-sols, c’est parce qu’ils contiennent quelque chose de précieux. C’est pourquoi, nous aussi,, nous allons nous y intéresser afin d’en profiter », a-t-il laissé entendre. Pour lui, l’objectif du panel, d’une part, est d’attirer l’attention des opérateurs économiques et investisseurs burkinabè sur le secteur minier et, d’autre part, de présenter la SCOOP/CA Burkina mine, son modèle de financement ainsi que ses ambitions.

De grandes ambitions d’ici 2030
La vision de Burkina mine porte essentiellement sur la mobilisation des ressources endogènes pour investir dans l’exploration qui permettra d’identifier des projets miniers, de les développer afin de générer des richesses pour les différents membres et pour le pays. Aux dires de son premier responsable, la SCOOP/CA Burkina mine à l’ambition de devenir un champion national dans l’exploration minière au Burkina, conformément à sa vision à l’horizon 2030. Dans cette même vision, a-t-il poursuivi, sont inscrits, entre autres, le développement de projets miniers avec des capacités de traitement cumulées d’au moins 2 500 tonnes de minerais par jour, la création de plus de 1 500 emplois directs et indirects, la production d’au moins 3 tonnes d’or, la contribution au budget de l’État à hauteur de plus de 5 milliards FCFA ainsi que la distribution de plus de 15 milliards FCFA de dividendes. Pour bénéficier de ces dividendes, les intéressés souscrivent, selon quatre types de membres, pour 500 000 FCFA l’action.
L’initiative de mobiliser les ressources de façon endogène est saluée par le chargé de missions au ministère en charge des mines, Alexis Dakuyo. « Les grandes compagnies minières internationales ont l’appui d’institutions boursières et financières qui se sont spécialisées dans l’accompagnement du secteur extractif. Ce qui n’est pas le cas au Burkina Faso. D’où l’importance de la thématique qui interroge les opportunités et les défis de financement du secteur minier », a indiqué M. Dakuyo, qui a ajouté que l’occasion est alors trouvée pour le secteur des finances de développer des produits dans ce sens pour accompagner l’exploitation minière par des nationaux.

Dans sa communication axée sur les mécanismes mis en place par le ministère pour accompagner les acteurs miniers nationaux, il a signifié que les réformes donnent la part belle au contenu local. Le nouveau code minier stipule que les mines semi-mécanisées sont réservées exclusivement aux acteurs nationaux. Quant à la loi portant promotion du contenu local, elle priorise les nationaux dans la chaîne de fourniture de biens et services dans le secteur minier ainsi que dans le quota des emplois dans les mines.
Aussi, des réformes sont envisagées afin d’amener les détenteurs de mines artisanales à les formaliser.
Entre potentialités minières et défis de transformation
Le deuxième panéliste, Dr Saaga Sawadogo, a exposé sur le potentiel minier du sous-sol burkinabè et les mécanismes d’incitation des acteurs nationaux. En véritable enseignant, il est parti d’un bref rappel historique : dès 1960, les premières cartes géologiques ont été élaborées au Burkina Faso. Puis, en 1997, le pays a déclaré sa première politique minière. À l’entendre, le sous-sol burkinabè regorge de substances précieuses dont le plus connu et exploité est l’or. Cependant, dit-il, d’autres minerais existent tels que le phosphate avec trois gisements dans la région de l’Est, mis en évidence en 1978 par BUMIFORM, actuel BUMIGEB. Ces trois gisements contiennent environ 200 millions de tonnes de minerais de phosphate, une substance très capitale pour l’agriculture, car intervenant dans la fabrication d’engrais. En plus, le sous-sol burkinabè contient du manganèse localisé dans la zone de Tambao dont la teneur est estimée à 100,7 millions de tonnes de minerais. « Cette substance intervient aussi dans la fabrication d’engrais. En combinaison avec d’autres éléments, elle permet de fabriquer des blindés. Dans ce contexte de guerre où le besoin en véhicules blindés et gilets pare-balles, entre autres est très élevé, la transformation de ce minerai revêt une importance capitale pour le Burkina », a expliqué le Dr Saaga Sawadogo. En sus, le tantale, connu comme le seul métal au monde, selon la technologie, qui peut séparer la borne positive et la borne négative dans un téléphone portable afin d’éviter les courts-circuits. Pour ce métal, des indices ont été repérés dans la zone de Zoungou à Zorgho. Des indices ont été également découverts pour le diamant et le lithium.

Les défis de financement : l’obstacle au potentiel minier
L’une des communications les plus marquantes lors du panel est celle de la directrice exécutive de la chambre des mines du Burkina, Priscille Zongo, portée sur les défis de financement du secteur minier proprement dits. De prime abord, elle a voulu son exposé pédagogique en rappelant que le cycle de vie d’une mine comprend quatre phases, dont la première concerne la prospection ou la recherche. Vient ensuite l’étape des travaux préparatoires ou de construction de la mine, notamment les infrastructures devant accueillir les travailleurs. La troisième phase consiste en la production, qu’elle soit industrialisée ou semi-mécanisée. Comme toute ressource est épuisable, alors intervient l’ultime étape qui est la fermeture et la réhabilitation. Pour Mme Zongo, en fonction de chaque phase, il y a des opportunités qui nécessitent des modèles de financement adaptés pour pouvoir en saisir.

Cependant, dit-elle, des difficultés subsistent, en l’occurrence la question du financement, surtout pour la première étape qui prend assez de temps. Elle informera que la durée moyenne de la recherche au Burkina est de 20 ans. « L’expérience montre qu’au Burkina, il n’y a jamais un cas où une société a conduit les recherches jusqu’à la production. Sur un permis minier, le projet aboutit dans les mains de la 4e entreprise en moyenne », a-t-elle souligné, relevant que les raisons viennent du fait que, pendant cette étape, l’on injecte des ressources sans retour sur investissement et avec peu de chance de trouver un gisement. À ses dires, les statistiques démontrent que sur un terrain déjà exploré, un seul indice sur 100 devient une mine. Et sur celui non encore exploré, un seul indice sur 1 000 devient une mine. Et Priscille Zongo de conclure : « La situation se complique davantage du fait qu’aucune institution bancaire ne voudra accorder un financement dans de tels projets, car nécessitant beaucoup de fonds et comportant énormément de risques ».

Adopter le modèle participatif de financement
Face à ces énormes difficultés, la directrice exécutive de la chambre des mines recommande la méthode de recherches sommaires, laquelle permet d’identifier le gisement et de débuter l’exploitation semi-mécanisée, puis de réinvestir les fonds issus des premières ventes pour agrandir la mine. Une autre possibilité de financement est le modèle participatif, à l’image de multinationales comme Iamgold (composé d’environ 6 à 7 millions d’actionnaires) et Endeavour Mining (10 millions d’investisseurs). Enfin, elle a invité les acteurs miniers nationaux à saisir les opportunités qu’offre la chaîne d’approvisionnement des mines.
Par Léon Yougbaré